Bonjour Lucie, est-ce que tu peux nous dire quelques mots sur toi ? (Quel âge as-tu ? quelle est ta formation ? où es-tu partie et combien de temps ?)
J’ai 47 ans mais je suis restée coincée à 35 ans dans ma tête ! Je suis originaire de La Réunion et j’ai une formation en traduction. Je suis partie de mon île à ma majorité, puis à Paris pour mes études. J’y ai rencontré mon mari et de là nous avons décidé d’immigrer au Canada ensemble. Après quelques années au Canada le froid nous a fait fuir vers le sud, aux USA ou nous vivons depuis presque 20 ans.
Qu’est-ce qui t’as attirée vers la Californie ? Depuis combien de temps vis-tu en aux USA ?
C’est toujours le travail de mon mari qui nous a fait nous déplacer, du Maryland à la Floride puis en Californie. On ne peut pas dire que la Californie m’ait particulièrement attirée mais nous aimons vivre près de la mer et la petite ville ou nous vivons maintenant est à 20mn de la plage, et juste entre San Francisco et Los Angeles. Je préfère la cote est pour la proximité de l’Europe, mais comme je ne connaissais pas la cote ouest, c’était une occasion de visiter cette partie des USA. Cela nous a permis d’aller en Arizona, de faire le grand tour des parcs nationaux en Utah, de visiter Yosemite et King’s canyon, de voir les grandes villes de la cote, et très bientôt d’aller visiter Seattle et le parc national d’Olympic, qui est celui ou a été tourné la série Twilight. Nous comptons aussi aller bientôt en Asie, plus facile à rejoindre depuis la cote ouest.
Comment se sont déroulés les préparatifs ? (visa ? démarches administratives… ?)
Je ne m’en rappelle plus en détail car cela fait longtemps. Depuis le Canada, mon mari s’était vu proposer un poste au Maryland, et avec le traité Canada/USA il lui suffisait d’une lettre d’embauche pour pouvoir passer la frontière et venir travailler ici. Par la suite, il lui a fallu obtenir un visa H1B pour pouvoir rester plus longtemps et après deux ans l’entreprise lui a demandé une carte verte. A partir de là nous étions libres de partir ensuite ou nous voulions sur le territoire. Tout a été relativement facile, beaucoup plus que ça ne l’aurait été aujourd’hui je pense.
Comment as-tu trouvé ton logement ? Où logeais-tu ?
Nous avions acheté notre maison à Miami et l’avons toujours ; on l’a mise en location. Comme la situation ici est toujours instable, nous avons choisi de louer d’abord un appartement, puis, après avoir mieux exploré la ville, louer une petite maison plutôt que d’acheter encore—de toutes façons acheter en Californie serait impossible vu les prix de l’immobilier ici, même dans une petite ville. J’ai trouvé mon logement tout simplement par craigslist….c’était plutôt facile car notre maison de Floride nous servait de garantie et le propriétaire nous a choisi rapidement comme locataires. Lorsqu’on n’a pas de garanties et un salaire minimum, comme malheureusement beaucoup de travailleurs agricoles ici, c’est beaucoup plus difficile et certains s’entassent à plusieurs dans un seul appartement.
Quel est le coût de la vie en Californie? (Est-ce que tu pourrais donner à peu près le coût mensuel qu’il faut prévoir pour le logement, la nourriture et les transports ?)
La Californie est un des pires états dans ce domaine, avec Hawaii et peut-être New York. Et encore, on ne vit pas dans une grande métropole….L’essence est très taxée donc est relativement plus chère qu’ailleurs, on doit payer les impôts à l’état de Californie (la Floride n’avait pas d’impôts locaux), on roule aussi beaucoup plus qu’avant. A deux, sans enfants, avec deux voitures et un loyer de 1500$, ce qui est bas pour la région, nous dépensons aussi par mois 1000$ de nourriture (en comptant quelques sorties au restaurant), 400$ par mois pour les factures (eau, internet, pas de câble, jardinier, électricités et gaz), 300-350$ pour l’essence car on va tous les deux travailler ou on se fait des road trips assez souvent. Et nous sommes assez frugaux dans notre style de vie sinon.
Avais-tu des appréhensions avant d’y aller ?
Pas vraiment car nous restions aux USA….on connaissait déjà le système, la langue (je devrais dire les langues car ici on parle autant espagnol qu’à Miami)….mes appréhensions concernaient surtout le climat, car venant de la Floride humide et chaude, je savais que le climat serait très sec et j’ai du mal à le supporter. On m’avait dit aussi que la mentalité était différente de la cote est mais je trouve les gens aussi aimables qu’ailleurs.
Qu’est-ce qui t’as le plus surpris à ton arrivée en Californie ?
La sécheresse. Il n’avait pas plu depuis des mois voire des années et tout était brûlé, les collines couvertes d’herbes jaunes, aucune rivière, aucune cascade alors que je m’imaginais la Californie verdoyante. Malgré le manque d’eau, il y a beaucoup de champs et de cultures, et je n’avais jamais vécu ainsi au milieu des champs de choux et de fraises. Ca fait un choc pour une citadine comme moi.
Comment as-tu trouvé ton emploi ? Quelles sont les particularités du marché de l’emploi Californien ? Est-il facile pour un expatrié d’y être embauché ?
J’ai répondu à une annonce. Aucune chance que je puisse trouver un travail en rapport avec le français ici (sauf l’entreprise ou travaille mon mari qui est française), donc j’ai mis en avant mes autres expériences de travail avec le public et avec un gouvernement local, et j’ai eu énormément de chance car la ville cherchait une personne qui accepterait de travailler dans une petite ville à 20 mn de là, dans une bibliothèque qui allait ouvrir. La bibliothèque a donc grandi avec moi. C’est un travail très intéressant car je connais une grande partie des habitants du hameau et je peux vivre au rythme de l’Amérique profonde, dans une « all american town », ce que je n’avais pas vécu avant. Les gens apprécient beaucoup leur petit lieu de rencontre. Je pense qu’il n’est pas plus difficile pour un expatrié de se faire embaucher, du moment qu’il parle bien l’anglais ; cela est encore plus nécessaire dans une profession de service. Il faut aussi avoir l’esprit très ouvert et prendre l’habitude de faire du « small talk », ou de la conversation légère, savoir de quoi on peut parler ou pas. Dans un emploi comme celui de mon mari (ingénieur), très intensif, le « small talk » est moins bien vu car il faut se concentrer en permanence et travailler sans compter ses heures. Et bien sur, en tant qu’expatrié il faut avoir une carte verte ce qui rend le marché du travail aussi accessible qu’aux autres. Sans visa, impossible de trouver du travail à moins d’avoir des compétences très recherchées.
Que penses-tu du mode de vie en Californie ?
La Californie est un état immense et donc les modes de vie y sont très différents en fonction de l’environnement. Vivre au milieu des champs et loin d’une grande ville, mais pas loin de la mer, fait que nous profitons au maximum de la plage ou nous allons presque tous les weekends. Il y a aussi énormément de randonnées à faire. En un an et demi, on n’en en pas encore fait le tour. Les villes de Santa Barbara et San Luis Obispo, à 45mn-1h, sont un peu plus « vivantes » que la notre et on s’y rend aussi régulièrement pour des visites plus citadines comme musée, centre commercial, etc. Nous vivons a 3-4h des très grandes villes. J’aime beaucoup LA, notre fille y vit ses études et on s’y rend donc régulièrement mais je déteste le trafic et je pense que je ne pourrais pas y vivre à cause de ça. Mais c’est une ville très variée et intéressante, grouillante. J’aime moins SF, que je trouve un peu snob et invivable d’une autre façon : la vie y est encore plus chère qu’ailleurs en Californie. Mais c’est une très belle ville à explorer en tant que touriste. Nous avons aussi exploré un peu la Californie centrale, dans les terres, et là c’est une autre paire de manches, on retrouve un style de vie plus cowboy, plus orienté vers la famille et l’église.
Quels sont les moyens de transport disponibles sur place ? Comment te déplaces-tu ?
Dans une ville plutôt petite comme la mienne on ne trouve que des bus comme transports en commun. Cependant même Uber fonctionne très bien ici ! Beaucoup de gens se déplacent en vélo par nécessité économique ; comme c’est une ville agricole, beaucoup de travailleurs sont des immigrés illégaux payés au salaire minimum. J’ai la chance d’avoir ma propre petite voiture que je possède depuis 10 ans et qui est venue avec moi de Floride….
Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?
La première année a été difficile car je n’étais plus habituée à vivre en appartement, je me sentais vraiment étouffer dans tout ce béton. J’ai également été très malade à cause du changement de climat et de région, attrapant tous les microbes qui passaient. Mon système immunitaire a mis un an à s’en remettre.
A quoi ressemble ton quotidien d’expatriée dans ta région ? Que fais-tu de ton temps libre ?
Malheureusement je me sens un peu seule car il n’y a pratiquement pas d’autres expatriés, français ou autres, dans ma région et que je sois en mesure de rencontrer. La plupart des étrangers vivent dans de plus grandes villes comme Santa Barbara. La population ici est constituée de gens nés ici, ayant déjà leur cercle social ; une autre partie est constituée de Mexicains venus pour travailler, et ils restent entre eux également, avec leurs propres églises, magasins etc. Je n’ai rencontré personne ayant les mêmes intérêts que moi et les rares clubs de type meetup font leurs réunions à des heures ou je travaille (le soir !)…..Je fais donc beaucoup d’activités solitaires comme la lecture, la photo, la cuisine et je vais à la gym. Le week-end mon mari et moi et parfois quelques amis qui habitent plus au nord, allons faire des randonnées ou des barbecues. On peut aussi faire du canoë ou des tours en bateau. Lorsqu’on a un long weekend, on se rend à Los Angeles ou dans les parcs nationaux.
Un bon souvenir à nous raconter ?
S’il n’y a pas de vie nocturne dans mon coin, il y a cependant souvent des festivals divers et variés, comme celui de la fraise, de la lavande, des foires agricoles, des rencontres d’amateurs de vieux tacots, ou des marchés d’artisanat. Une de nos premières sorties fut pour le festival de lavande à Paso Robles, dans une ferme perdue. On se serait crus en Provence avec toutes ces rangées de lavande, les abeilles butinant, la balançoire sous l’arbre. La région rappelle beaucoup le sud de la France et c’est d’ailleurs pour çà que Santa Barbara est appelée la Cote d’Azur de la Californie. Les bons souvenirs ici sont liés aux paysages magnifiques ; admirer un séquoia géant près du parc de King’s canyon, aller contempler la migration des papillons monarques, s’approcher des baleines au plus près, contempler les magnifiques couchers de soleil depuis la jetée.
Qu’est-ce que cette expérience t’aura apportée ?
Difficile à dire car notre séjour n’est pas terminé. Pour l’instant il m’aura appris la patience car j’avais toujours vécu dans des milieux très urbains, avec un rythme de vie rapide. La vie ici s’écoule plus lentement, il ne se passe pas grand-chose et on s’intéresse moins aux événements du monde, car tout a l’air si lointain.
Quelles nouvelles habitudes as-tu adoptées en Californie ? Quelles vieilles habitudes as-tu laissé tomber ?
Depuis que je suis ici je parle beaucoup plus aux gens « en passant ». Je suis devenue plus tolérante, je crois, de modes de vie tellement incompréhensibles pour moi. Par exemple, je rencontre beaucoup de gens présents ici depuis des générations et jamais sortis de leur région, ce qui me parait incroyable. Mais je me dis que le manque de curiosité a aussi son bon coté : ce sont des gens profondément ancrés dans leur milieu familial, qui ont des certitudes et se sentent rassurés par leur environnement, et qui ne se sentent pas perpétuellement « entre deux chaises » comme nous. J’essaie donc de ne pas juger comme je le faisais avant. Je fais aussi beaucoup plus de sports sous la forme de randonnées.
Si tu pouvais repartir à zéro en Californie, que ferais-tu différemment ?
J’aurais probablement cherché à louer une maison tout de suite plutôt que d’habiter en appartement. J’aurais surement moins déprimé pendant ma période d’adaptation à un nouvel endroit.
Que penses-tu de la cuisine Californienne? Quelles sont tes spécialités locales préférées ?
La spécialité locale est le tri-tip, une coupe de viande de bœuf marinée et cuite au barbecue. Je n’aime pas particulièrement ce plat ! Par contre j’apprécie beaucoup le choix de fruits et légumes bio qu’on a ici ! On trouve aussi des produits mexicains facilement, et il y a des marchés en plein air un peu partout. Les tacos sont bien sur excellents.
Es-tu déjà arrivée à un point de vouloir quitter la Californie? Comment as-tu surmonté cette épreuve ? Qu’est-ce qui te retient là-bas ?
Je ne veux rester ici, et j’ai souvent déjà pensé que j’aimerais repartir. Je suis contente d’y être pour l’instant car nous sommes plus proches de notre fille qui fait ses études à Los Angeles ; de plus cela nous permet de découvrir en profondeur ce grand état Mais d’ici un an ou deux j’aimerais retourner en Floride ou quelque part près de la mer et du coté est. Je n’ai pas le choix de toutes façons car mon mari a son travail ici pour l’instant. Quand on sera à la retraite, on pourra enfin s’installer pour de bon, probablement aux USA puisqu’on ne compte pas rentrer en France, mais qui sait ?
Comment décrirais-tu la Californie en une phrase ?
La Californie est une frontière entre mer et terre le désert et la vie…les paroles de Julien Clerc…..
Quels conseils donnerais-tu aux futurs expatriés en Californie ?
–Essayez de faire le compromis entre grande ville et campagne, régions privilégiées par les expats et régions d’Amérique profonde….Entre s’enfermer dans des ghettos d’expatriés, ou vivre dans une ville fantôme, il y a un juste milieu. Pour pouvoir connaitre l’Amérique il faut pouvoir se donner les moyens de vivre plusieurs années dans différents endroits.
–Ne vous focalisez pas sur ce que vous avez perdu en venant ici ; vu de l’extérieur, c’est vraiment énervant pour les autres (américains ou étrangers) d’entendre « ça, c’était mieux en France »…..
Y a-t-il une chose que tu souhaiterais emmener avec toi en quittant la Californie ?
–Je ne pense pas partir un jour mais si je le devais je n’emmènerai rien que mes souvenirs et mes photos et je me concentrerais plutôt sur ce qui m’attend !